Et Après...

Le championnat de France qui a eu lieu en Janvier dernier est riche d'enseignement quant à l'état de notre culture Brass. Brass Band Infos propose ici une analyse de ces 11èmes championnats de France de Brass Band.

Force est de constater que le niveau augmente parallèlement au nombre d'ensemble dans l'hexagone.  En cela l'édition 2015 est une réussite. Ceci étant dit, que penser de la catégorie Honneur.

Lutte du son et de la technique

Dans cette catégorie c'est un concours tout à fait particulier auquel nous avons assisté. Les deux grosses cylindrés du Brass Band français se sont affrontées dans une lutte du son et de la technique.

Faut-il donc jouer plus vite et plus fort pour gagner le championnat de France? Non, car le PBB a gagné sans surpasser le NPDC, mais en jouant plus finement quand bien même cela fut possible. De son côté les deux prestations du NPDC ont sonné comme un passage en force. Le choix du programme libre en témoigne, Peter Graham est un spécialiste des accords tonitruants où le cornet mib s'arrache les lèvres, des percussions triple F et des effets de technique collective.

En réalité c'est un tout mouvement européen qui force les Brass Band à jouer dans ce "style", c'est ce que notait Roy Terry sur brassband.fr il y a peu : "La section "morceaux au choix" est devenue de plus en plus problématique parce que plusieurs bands ont développé l'habitude de commander un morceau seulement avec l'intention claire de manipuler le public à donner les hourras les plus grands et l’ovation la plus longue.[...] On a décrit la section comme une loterie ou une version de roulette russe. C’est maintenant en danger d’être subvertie en forme d’un "concours spectacle" ("Entertainment contest" en anglais)".  C'est exactement ce à quoi nous avons assisté lors de ces championnats de France. Malheureusement pour lui, le NPDC gagnant à ce niveau là n'a pas été récompensé par le jury.

Notons au passage un Brass Band NPDC qui affirme sa proximité avec l'Angleterre, proximité géographique et... culturelle. En jouant sous la direction d'un chef Belge (Luc Vertommen) de culture Brass anglaise et des musiciens costumés à l'anglaise arborant deux couleurs (noir et jaune) dans des vestes bariolées que même les anglais sont en train d'abandonner pour passer aux costumes (plus pratique et moins cher), et en jouant une pièce d'un compositeur anglais. Non, ce dimanche c'est deux styles qui se sont affrontés. Le PBB a joué dans son style, extrêmement rigoureux à l'image de son chef (Florent Didier) fort d'une expérience européenne grandissante et un vibrato qui surprendra toujours dans nos contrées. De son côté le NPDC a joué à l'anglaise avec force et force vibrato. D'un côté comme de l'autre le vibrato est maladroit. Les anglais ont un vibrato plus fin, on l'a bien entendu avec le concert du Black Dyke le samedi soir, c'est contrôlé, c'est fin... c'est culturel.

Notre son de Brass Band

Ce constat nous amène à penser que le vrai son du Brass français n'était pas en catégorie Honneur (l'obsession de l'Europe y gagnerait-elle ? ) mais en catégorie excellence. Finalement, le gouffre dont nous avons déjà fait mention dans nos colonnes entre ces deux divisions n'est que du fait que les Brass Band en Honneur jouent plus fort. Si l'aspect technique n'est pas non plus à ignorer avec des pièces plus exigeantes, on a l'impression qu'il faut être impressionnant de son. Haaaa, le public aime quand ça ronfle, le public aime quand le son résonne jusqu'à ses oreilles, quand les musiciens rougissent d'effort, mais n'y a-t-il pas une limite ?

Finit la finesse du son ? Finit la musicalité ? Ne sommes-nous pas en train de confondre largeur et force du son ?

Alors que nous avons encore la possibilité d'affirmer notre culture française du Brass Band, alors que nous pouvons encore construire notre son, notre lecture des pièces, n'est-il pas regrettable de voir ce rapprochement idéologique qui s'effectue avec la culture anglais ou la culture nord-européenne du Brass Band? S'en inspirer oui, bien sûr, mais l'imiter ?

Le compositeur anglais Goff Richards donnait cette description du Brass Band "The brass band is capable of producing such tremendous energy and excitement, yet can also achieve wonderful degrees of quiet expression and sensitivity" (Livret du CD The Music Of Goff Richards, BNFL Band, dir. Richard Evans). "Quiet expression and sensitivity" des notions trop peu présentes dans cette catégorie Honneur.

On parle de "tirer le Brass Band français vers le haut", cette charge revient à tort aux Brass inscrits en Honneur. Même s'ils sont les grands porte-paroles de notre culture c'est aussi aux Brass Band des divisions inférieures de défendre notre idée du Brass Band, c'est aussi à eux d'apporter leur pierre à l'édifice pour le mouvement de Brass Band en France, qu'ils soient en compétition ou non.

Ouvrir le répertoire

Autre enseignement de ce 11ème concours national, enseignement qui s'étend de la troisième division à Honneur, le répertoire est de plus en plus varié dans les programmes libres.  Si les choix ne sont pas toujours judicieux, on note une ouverture progressive aux compositeurs nord-européens et américains. Par contre, il semble que seul les anglais soient capables d'écrire pour les niveaux Excellence ou Honneur où c'est 100% de compositeurs anglais qui ont été joués cette année.

Il est tout à fait regrettable qu'aucune pièce d'un compositeur français n'ai pu être entendue lors du championnat de France, cela devrait faire partie de notre identité musicale, de notre culture Brass. Il y a des compositeurs français qui écrivent où ont écrit pour Brass Band. Au hasard,  Olivier Calmel, Etienne Perruchon, Bruno Peterschmitt, François Rousselot, Pierre-Antoine Savoyat, Patrice Sciortino, François Tashdjian, Pierre Thilloy...

Cela correspond au rapprochement dont nous parlons plus haut, à l'inspiration fournit outre-manche  qui sonne facilement et que l'on connait.

Notre force serait de faire du neuf dans un milieu, le Brass Band, qui ne craint pas l'innovation.