Ces pièces avec lesquelles... on ne peut plus gagner

24/12/2014 14:44

 

Ces pièces avec lesquelles...

on ne peut plus gagner

 

Parmi les concours de Brass band on distingue trois types de compétitions. Celles qui se basent sur une pièce imposée, celle qui se basent sur un programme libre et enfin celles qui se basent sur les deux précédents : programme libre et imposé.

Les anglais ne sont pas friands des mélanges des deux programmes et le plus souvent une seule pièce est imposée (Championnat national, Butlin's Mineworkers, British Open...) ou alors c'est tout un programme de concert au choix qui est demandé, c'est ce qu'ils appellent entertainment contest et dans ce cas là les Brass Band sont jugés sur leur performance, leur choix musicaux mais aussi sur leur capacité à "faire le show" et leur prestance jusqu'à leur tenue vestimentaire.

En réalité c'est hors des frontières de la perfide Albion qu'ont éclos les concours mélangeant programme libre et imposé. Nous possédons un bon exemple en France avec l'Open de France d'Amboise qui est un savant mélange d'entertainment contest et de programme imposé tout en recherchant le spectacle avec des prix pour les solistes et selon l'appréciation du public. De même notre championnat national est constitué de ces deux épreuves comme beaucoup de championnats nationaux de part le monde. Plus prestigieux encore, ces deux épreuves font tout simplement rappeler les championnats d'Europe de Brass Band.

De fait, d'un tirage au sort impartial laissant place à la chance ou au hasard et d'une pièce imposée on peut tout à fait admettre que les Brass sont sur un même pied d'égalité dans le jugement des jurys. Mais dès lors qu'un programme libre est exigé, les Brass ne sont plus égaux. Il y a des pièces qui, même parfaitement réalisées, ne peuvent permettre la victoire, exception faite de la déchéance des autres concurrents.

Æolus et PBB

Parmi la foule d'exemples récents, le Brass Band Æolus aux championnats de France 2014 à Yvetot a joué dans son programme libre la pièce de Johan De Meij Extreme Make-Over. Cette pièce imposée lors des championnats d'Europe de 2005 (il y a presque 10 ans) a depuis été jouée, rejouée, enregistrée encore et encore et parfois avouons-le dans des prestations très moyennes. Pour une pièce que tous les Brass Band à partir d'un certain niveau ont joué, le jury (en général des chefs de Brass Band) connait parfaitement la partition et n'a même plus besoin de la suivre, il n'a plus qu'à écouter les erreurs des musiciens sur scène. La suite on la connait Æolus, et ce malgré une belle preformance là n'est pas la question, termine troisième sur trois, erreur de stratégie. De même le Brass Band Oberösterreich l'a joué aux championnat d'Europe et a terminé avant-dernier (10ème). Dans le cas d'Extreme Make-Over qui est, entendons-nous,  une fabuleuse pièce de Brass Band, la lassitude l'emporte. Elle fait partie des créations de l'orée du 21ème siècle qui, témoin d'un rythme de société, se démode très vite en concours. Malheureusement si elle passe encore très bien en concert, bien peu de Brass Band n'osent la jouer dans ce cadre là.

Il en est de même avec From Ancient Times, le programme libre du Paris Brass Band cette année aux championnats d'Europe 2014 à Perth. La pièce de Jan Van Der Roost imposée lors des championnats d'Europe de 2009 a eu un grand succès et depuis elle n'a eu de cesse d'être sélectionnée par les Brass Band pour leur championnat national ou quelque programme libre que ce soit. Or cette pièce ne fait plus gagner au niveau européen : Oberösterreich (3ème en 2010), Cory (2ème en 2011), Eikanger (4ème en 2012), Schoonhoven (5ème en 2013), PBB (7ème en 2014) ce n'est pas tant la qualité de la prestation qui est remise en cause encore une fois mais le choix même de la pièce. Et on pourrait faire le même constat avec Music Of The SpheresJourney To The Center Of The Earth...

Sparke, Graham, Graham, Sparke... Wilby?

Si ces pièces se sont relativement vite démodées en concours c'est parce que désormais pour jouer au premier plan dans les grandes compétitions internationales il faut créer. Regardons les victoires de ces 10 dernières années aux championnats d'Europe et comparons les programmes libres:

REM-scapes (Doss, Luzern 2014) créé six mois plus tôt

Perihelion-Closer To The Sun (Sparke, Cory 2013) Création

Revelation (Wilby, Black Dyke 2012) écrit en 1995

Old Licks Bluesed Up (Aagaard-Nilson, Manger Musikklag 2011) crée deux mois plus tôt

A Tale As Yet Untold (Sparke, Cory 2010) Création

On The Shoulders of Giants (Graham, Cory 2009) Création

Music For Battle Creek (Sparke, Cory 2008) créé huit mois plus tôt

Music Of The Spheres (Sparke, Willebroek 2007) écrit en 2004

Journey To The Center Of The Earth (Graham, Willebroek 2006) créé un an plus tôt

Journey To The Center Of The Earth (Graham, Black Dyke 2005) Création

Music Of The Spheres (Sparke, YBS 2004) Création

5 créations pour les 11 dernières victoires (45%) et des pièces récentes de moins d'un an pour 9 des 11 dernières victoires (80%).

Et effectivement face à une pièce nouvelle, jamais entendu ou juste entraperçue, un jury est plus absorbé par la performance, par la partition et potentiellement plus impressionnable. Il est aussi plus facile en créant de faire la différence par rapport aux autres Brass Band. Cependant, la création n'est pas forcément la clef de la victoire en témoigne cette année à Perth avec The Triumph Of Time de Graham joué par le Black Dyke et The Divine Right de Harper joué par le Cory. Ici les autres paramètres du concours sont en jeu, qualité de la prestation sur la pièce imposée, tirage au sort etc.

Un compositeur tire son épingle du jeu cependant, le Black Dyke en jouant Revelation en 2012 redonne goût à la musique de Philip Wilby. Les musiciens de Nicholas Childs minent alors complètement nos statistiques en jouant une pièce qui a... 17 ans. Philip Wilby paraît pourtant comme le compositeur qui peut encore surprendre avec des pièces écrites il y a quelques années en témoigne le peu de Brass Band qui se risquent avec ses compositions. Wilby est dure à jouer, exigeant, d'une autre manière qu'un Sparke, qu'un Graham ou qu'un compositeur hollandais, c'est un autre style qu'on pourrait qualifier de "contemporain" ou "actuel" dans la musique pour Brass Band. Wilby est, somme toute, peu joué or sa musique est impressionnante, poignante, évidemment si tenté qu'elle soit bien jouée mais les Brass Band qui ont le niveau des championnats d'Europe ont le niveau pour bien jouer Wilby.

Comment gagner?

Ainsi, à notre sens s'il existe un secret pour gagner une grande compétition internationale telle que les championnats d'Europe, c'est oser. Oser créer, oser jouer voire risquer jouer. Jouer une création ou un Wilby, en attendant que d'autres compositeurs prennent la relève, en tout cas jouer ce que personne n'a jamais joué ou ce que personne n'a jamais osé jouer. 

Aujourd'hui, rare sont les Brass Band qui peuvent espérer se hisser sur le podium avec des pièces qui ont plus de deux ans d'existence.