EBBC Lille 2016, un concours historique

Les championnats d'Europe de Brass Band 2016 se déroulaient à Lille au printemps dernier pour leur première édition française. Retour sur une compétition qui a vu pour la première fois un Brass Band français dans le top 6 européen.

Pour l’Histoire

C'est un résultat historique de la part du PBB, après avoir été 8ème en 2013 à Oslo, 7ème en 2014 à Perth, 8ème en 2015 à Freiburg ils sont arrivé 5ème en 2016 à Lille.
Si historiquement les Brass Band issus du pays recevant les championnats d’Europe sont bien classés (entre la 1ère et la 5ème place pour 82% des Brass autochtones en 39 éditions), les Brass Band ne font pas forcément leur meilleur résultat devant leur publique (moins de 45% des cas en 39 éditions, autrement dit : depuis 1978 seulement à 17 reprises le pays organisateur à vue son représentant gagner ou bien glaner son meilleur résultat à cette compétition). Ceci renforce donc le résultat du PBB qui affirme ainsi la position française sur la scène européenne.

Analyse des positions

Le Cory Band en étant classe 1er à l'issu du programme imposé (98/100) se classe aussi 1er à l'issu du programme libre avec une prestation qui frise la perfection (99/100). Ils ont créé la version Brass Band d'une pièce de Philip Sparke écrite pour harmonie (An Unknown Journey pour harmonie, Raveling Unraveling pour Brass Band) en 2014 pour le Kwansei Gakuin University Symphony Band à l’occasion de leurs 60 ans. Ils l’emportent avec 5 points d’écarts avec le deuxième (Black Dyke), un écart inédit depuis 2009 où le Cory avait gagné avec 8 points d’écart devant le Brass Band Treize Etoiles.

Comme en 2014 à Perth, les gallois, sous la direction de Philip Harper, ont remporté la compétition en grande partie grâce à leur programme libre. Et comme en 2014 il s'agit d'une création de Philip Sparke, nous en parlions ici. Ainsi le Cory double la mise... et Sparke aussi. Ceux-ci semblent avoir trouvé la parfaite combinaison qui mène à la victoire finale. De fait, c'est aussi la qualité d'écriture de Sparke qui est récompensée autant que le rendu par le brass lors de la compétition.


Quid des autres compétiteurs ? le Black Dyke arrive deuxième en jouant une réécriture de Gregson, The Trumpet Of The Angels, ce qui a permis à Gareth Small (professeur au RNCM, et trompette principale du Halle Orchestra de Manchester) de remporter le prix du soliste. Le Black Dyke est 4ème au programme libre pour autant derrière... le PBB.

En troisième position à égalité de point avec le Black Dyke (192) mais moins de points au programme imposé, la version de Trance (Thomas Doss) du Brass Band Suisses Valaisia (sous la direction de Arsène Duc) a pourtant été époustouflante et convaincu les observateurs. Avec 98 points sur leur programme libre ils sont deuxième dans cette partie de la compétition. Buizingen « échoue » au pied du podium à 4 points du Valaisia, sous la direction de Luc Vertommen ils réalisent comme en 2013 leur meilleur classement de cette compétition. Le PBB a impressionné quant à lui avec Hypercube de Waespi, ils sont troisièmes avec leur performance. Paradoxalement, ils ne sont que 7èmes avec le programme imposé ce qui est d’habitude leur point fort. Ils sont à égalité de point avec Buizingen (188) mais moins de points sur le programme imposé. Enfin, pour compléter le top 6, les anglais du Brighouse & Rastrick band, sous la direction de David King, ont rendu une prestation de Trance bien moins convaincante que les suisses de Valaisia.

Domination Anglo-saxonne ?

En réalité les figures de proue d'outre-manche telles que le Black Dyke, le Cory et, dans une moindre mesure le Brighouse & Rastrick Band, dominent car elles créent le style. Ce sont les Brass Band les plus écoutés car les plus enregistrés. Ils dominent car ils fournissent l'idée même du Brass Band, et imposent le style « anglais ». D’aucun ne dirait qu'il s'agit d'une forme de « propagande », il est vrai qu'il est difficile d'imposer son style et son enregistrement sur un marché occupé tant en qualité qu'en quantité. On trouvera toujours des contre-exemples où des ensembles hors Royaume-Uni se sont distingués, de même on peut discuter la qualité musicale de certains CD et le programme proposé mais pas leur qualité technique dans le mixage, la réalisation et l'enregistrement.

Les derniers CD sortis selon le site de vente worldofbrass viennent tous du Royaume-Uni, même en regardant les sites des grands Brass Band européens, si peu ont enregistré depuis plus d’un an. En comparaison, le Cory et le Black Dyke sortent en moyenne deux CD par an. Sans compter les CDs où plusieurs ensembles sont enregistrés ou compilés. Les dernières sorties majeurs de Brass Band or Royaume-Uni sont “To Boldly Go” des australiens du Melbourne Staff Band en 2015 suivit en 2014 de “Pickard: Gaia Symphony & Eden” de Brass Band norvégien Eikanger, “Live from Taiwan” du PBB et “15” du Brass Band Of Central Florida.


Les Brass Band anglais ont enregistré à eux seuls la très grande majorité des œuvres de Sparke, les Cory et Black Dyke figurent parmi les plus récents et les plus prolifiques en la matière avec 2 CD chacun uniquement consacré à sa musique, qui mieux qu'eux peut jouer ce compositeur ?

On cite en vrac :

  • Perihelion closer to the sun - Cory (Remarquable!!)
  • Christmas day – Black Dyke
  • A Tale as Yet untold – Cory
  • Sea Pictures – Foden’s
  • Music for Battle Creek – Black Dyke (notre coup de Cœur, un enregistrement exceptionnel)
  • Journey in Brass – GUS band
  • The Bandwagon – Sellers International Band
  • A portrait in Brass – various
  • The four Noble Truth – various
  • Kaleidoscope - Fodens
  • Hymn of the highland – YBS (CD légendaire)
  • Images for Brass - Fairey
  • Cambridge Variations – BNFL band
  • Harmony music – Leyland

Ainsi, les jurys de concours ont l’habitude d’entendre ce style puisque c’est le style dominant. Ils connaissent les versions enregistrées des pièces imposées ou libres et leurs défauts, mais dès lors, peut-on juger une pièce dont une version techniquement parfaite existe déjà ? Il est donc encore plus difficile d’innover dans un nouveau style et de gagner dans ces conditions à un concours majeur. D’où l’avantage des ensembles anglais, à l’inverse cela pousse les autres ensembles européens à jouer dans ce style. Il y a donc, au plus haut niveau, une uniformisation inquiétante du style de Brass Band.

C'est ici qu'il est intéressant d'observer la confrontation de ces ensembles avec les œuvres imposé au championnat d'Europe, si elles sont écrites dans un style sous influence anglo-saxonne elles sont le reflet d'une culture somme toute différente. Pour autant on ne note pas de corrélation réellement significative entre leur résultat et le pays où se déroule le championnat.

Est-ce qu’ils s’adaptent remarquablement aux pièces proposées ?  Sont-elles toutes dans le même style anglo-saxon, et donc leur scient parfaitement ? Ou juge-t-on plus l'aspect technique que l'interprétation musicale ?

C’est bien ce dernier point qui semble l’emporter aujourd’hui. Assurément comme beaucoup aujourd'hui, les championnats d'Europe sont donc bien un concours de Brass Band et non un concours de musique.

 

Sur ces derniers points nous avons demandé à des personnalités du monde du Brass Band de réagir, de prendre position et de nous proposer leurs points de vus disponible sur les liens suivants :

Florent Didier - Directeur artistique et chef d’orchestre du Paris Brass Band

Philip Harper - Directeur artistique et chef d’orchestre du Cory Band

Pierre-Antoine Savoyat - Musicien, compositeur et chef d’orchestre