Elargir l'élite - Rétrospective 2017

Le Hauts-de-France retrouve son titre

Le Brass Band Hauts-de-France est le nouveau champion national. Ils représenteront la France lors des championnats d’Europe 2018 à Utrecht en Hollande. Il s’agit de leur 4ème titre national égalisant ainsi les titres d’Æolus, leur opposant du jour.

Retrouvez l’ensembles des résultats sur cette page.

Sobriété

On a noté une certaine sobriété en comparaison avec les éditions précédentes. Une sobriété dans les choix des programmes libres de la deuxième journée, autant en Excellence qu’en Honneur. Le programme libre du Brass Band du CRR de Douai a, par exemple, était un excellent choix musical et parfaitement réalisé. Or, cette pièce récente demeure confidentielle là où les musiciens d’Olivier Dégardin ont joué des classiques précédemment (On The Shoulder Of Giants en 2015 ou encore English Heritage en 2014). De même, un des meilleurs exemples de cette sobriété cette année fut la performance d’Anges et Démons de Peter Graham dans une édition révisée. La pièce commandée pour le championnat de 2015 par le Brass Band HdF (ex-NPDC) a paru plus simple dans sa réalisation cherchant moins à impressionner et plus à créer. Effet réussit car elle permet au Brass Band HdF de recouvrer le titre de champion.

Une année de création

Babylon de Thibaut Bruniaux, Saint Guilhem Et Le Géant de Benoit Barrail et La patronne de Cascia de Pierre Antoine Savoyat. Voilà les trois premières créations françaises lors des championnats de France de Brass Band. Historiquement, la première édition en 2004 avait vu imposer une pièce française en première division, Classical Hymn de Nicolas Avinée. Depuis, Brassage avait choisi l’apprenti sorcier de Dukas (2010) et Daphnis et Chloé de Ravel (2014), deux arrangements de pièces françaises en programme libre. Jusqu’à maintenant aucun Brass Band n’avait créé l’œuvre d’un compositeur français.

Etonnamment les créations n’ont pas été produites par les grosses cylindrées françaises, mais par les Brass Band « du samedi » rendant dès lors cette journée (plus ?) intéressante. On se souviendra longtemps de la clôture de la journée avec l’exceptionnelle performance du Burgundy Brass sur l’œuvre de Pierre-Antoine Savoyat même si leurs efforts n’ont pas payé face aux qualités des bordelais de Côtes et Cuivres. On se souviendra aussi que dans une catégorie aussi conséquente que la seconde division (5 ensembles) le binôme de tête se compose des ensembles présentant une création. Ainsi, les conseils que nous prodiguions il y a quelques années pour gagner un championnat d’Europe s’appliqueraient-ils à toutes les catégories ?

Organisation

Nous avons assisté à un championnat particulièrement long. Certes, parmi nos rédacteurs, certains sont habitués à l’organisation anglaise au cordeau qui adjuge 5 minutes entre chaque performance. Ceci leur permet d’organiser 20 performances de 12 à 15 minutes en une journée (10h-17h). Pour mémoire, avec 15 Brass, le championnat présente 30 performances. Cette année particulièrement il y avait beaucoup trop de temps d’attente entre chaque ensemble et entre chaque division. Dimanche il y avait plus de 30 minutes entre les divisions Excellence et Honneur et avec un jury habitué à évaluer en concours on ne comprend vraiment pas pourquoi. C’était « longuissime », cette formule de championnat ne s’adapte pas au nombre d’ensemble présents.

 

Elargir l'élite

Il y a un réel décalage entre les programmes imposés et les programmes libres, non pas dans la performance, mais dans les choix. A titre d’exemple les Brass Band de 1ère division ont joué des pièces de niveau Excellence-Honneur (Tallis Variation, Kingdom of Dragon ou encore la création de Pierre-Antoine Savoyat La Patronne de Cascia), il en est de même au niveau Excellence ou les choix sont des pièces de niveau Honneur (Chivalry, The Raid ou The Legend Of The King Arthur) ou encore en deuxième division avec les créations du Hainaut (Babylon de Thibaut Bruniaux) et d’Occitania (Saint Guilhem Et Le Géant de Benoit Barrail ou enfin le Brass Band du Grand Chalon avec The Dark Side Of The Moon. Aucun de ces ensembles n’a semblé en difficulté sur des pièces de haut niveau et clairement du niveau de la catégorie supérieure à laquelle ils jouent.

On serait bien embêté de comparer le système de catégorie français avec celui outre-manche. Si on assimile sans difficulté le niveau Honneur à la catégorie Championship, le niveau Excellence semble, en termes de qualité de performance, entre la 1ère division anglaise et la Championship alors que notre 1ère division se classe aisément dans le haut de tableau de la 1ère division anglaise.

Ainsi, si les Anglais ont plus de Brass Band par catégorie c’est parce que (i) les Brass Band sont, il est vrai, plus nombreux sur leur territoire et (ii) les catégories sont de niveau plus large qu’en France ou l’on a transposé un système jusqu’alors appliqué aux concours organisés par la CMF. Le championnat anglais se compose de 4 divisions et une division Championship. En France nous possédons 3 divisions, une division Excellence et une division Honneur. Le découpage s’effectue pour les hauts niveaux (qui sont aussi les plus intéressants, impressionnants, attractifs musicalement parlant) là où les Anglais découpent les niveaux les plus modestes.

En réalité, à BBI on pense qu’il faudrait adopter un tel système « à l’anglaise » pour deux raisons : tout d’abord il n’y a pas assez de Brass Band en France et encore moins de Brass Band présents au championnat national pour organiser 5 catégories. Ensuite, pour un concours l’intérêt est bien de comparer les versions des pièces imposées et des choix de programmes libres. Or ceci n’est possible que s’il y a un certain nombre d’ensemble par catégorie. On a bien vu cette année que l’intérêt de la catégorie Honneur était réduit du fait de la présence de deux ensembles, à l’inverse l’intérêt du championnat s’est porté sur la seconde division ou le nombre de Brass Band et de créations ont produit un réel intérêt.

Imaginons un instant les 3 ensembles de 1ère division et les 3 de division Excellence ensembles, en une seule catégorie. Le championnat y gagne en intérêt musical pour le public, les musiciens et les amateurs. Mais reste le gouffre pour accéder à la division Honneur, alors changeons d’imaginaire.

Voilà pour nous une liste de Brass Band français avec le niveau de la division Honneur tout simplement parce qu’ils ont joué des pièces de ce niveau avec brio, courage et force de travail : PBB, Hdf, Aeolus, BB Lyon, Brassage, Douai, BB Toulouse, BB Savoie, Exobrass. Imaginons une telle catégorie, la compétition serait plus intéressante, plus attractive. Le niveau n’y changerait pas et parions que d’une année sur l’autre on ne verrait pas toujours le même Brass Band l’emporter. Elargir l’élite de notre pratique ne fera que progresser nos ensembles et ce pour tous les niveaux.

Aujourd’hui on note que les observateurs (et nous les premiers) ont d’abord parlé de la défection du PBB avant de présenter les compétiteurs pour le titre. Le site de résultats de concours de Brass Band brassbandresults.co.uk se sent obligé de préciser sur sa page de résultat que le PBB ne s’est pas présenté cette année comme pour justifier la victoire du Brass Band HdF. Combien de fois le site anglais 4barsrest a indiqué que les Parisiens ne jouerait pas cette édition du championnat ? « unable to attend due to a busy calendar of artistic projects ». Cela signifie dans l’imaginaire collectif que le PBB gagne de toute façon, vu d’ici comme de l’étranger on semble déjà connaitre le résultat du concours avant de le jouer. Notre championnat perd en intérêt parce que le PBB gagne quand il se présente, le fait est qu’il est plus facile de gagner une catégorie de 3 Brass qu’une catégorie de 20. Il n’est pas question ici de remettre en cause la qualité des musiciens de Florent Didier, leurs victoires sont amplement méritées. Elles auraient eu tout simplement plus de valeurs dans une catégorie réellement compétitive avec un nombre conséquent d’ensemble. En France ces ensembles existent.

Sur le même modèle on peut imaginer une fusion des catégories 2 et 3, et laisser une catégorie intermédiaire avant d’accéder à l’élite, bilan : Division Honneur, 1ère Division, 2ème Division.

Bref… réduire le nombre de catégorie pour les enrichir et faire progresser les ensembles tout en rendant notre championnat plus attractif et plus visible à l’étranger.

On nous opposera le choix des pièces imposées. Le fait est qu’aujourd’hui les Brass Band des divisions 1, 2 et 3 sélectionnent leur catégorie principalement sur la qualité des pièces et le niveau requis pour les jouer. On pense qu’ils sont peu à analyser réellement leur niveau pour jouer dans la catégorie supérieure et pour cause les choix de programmes libres montrent leur vrai niveau. Quant aux Brass Band de niveau Excellence, ils n’estiment pas avoir le niveau Honneur ou ne peuvent pas y accéder alors qu’ils présentent depuis plusieurs éditions maintenant des programmes libres qui n’ont rien à envier à ce qui se joue en Honneur. Brassage et Douai ont erré trop longtemps en Excellence, bloqué par une arithmétique insensée, sans logique musicale et à appréciation variable selon les années car les jurys sont différents.

Le cas du BBL n’aurai jamais pu arriver en Angleterre. Ils se sont présentés deux fois en catégorie Excellence obtenant une 4ème place (sur 5) en 2015 et une première place (sur 3) en 2017. Cette dernière leur octroi le droit de concourir en Honneur car ils obtiennent 90 points. A l’inverse le Brass Band du CRR de Douai victorieux des trois dernières éditions en Excellence et Brassage auréolé de 4 titres dans cette catégorie n’ont jamais passé ce cap. En Angleterre, le système de promotion se calcul selon le classement sur 3 ans, il faut en effet participer au moins trois ans à une catégorie avant de monter. A l’issu du championnat les Brass Band ont leur classement pour point (le premier à 1 pts, le second a 2 pts etc) et le Brass Band avec le moins de point au bout de 3 ans peut monter dans la catégorie supérieure. C’est un système plus égalitaire où le mérite de la promotion se joue sur la longévité des performances.

Nous organisons un schéma de championnat similaires aux autres pays mais nous possédons moins d’ensembles, il est logique de proposer moins de catégories. La CMF cherche à organiser un concours compétitif, mais cela va à l’encontre de la progression même de notre culture, de notre style et de nos ensembles. Il faudrait d’abord organiser une fête du Brass Band rassemblant les Brass français dans une rencontre et non plus dans un affrontement ou une compétition et dont l’issu serait un titre de champion et une participation la même année au championnat d’Europe.